Julia observa quelques secondes Mark prendre place auprès de son amie et eut une pensée durant laquelle elle le bénit d’avoir été là aujourd’hui car sans lui personne ne se serait inquiété de ne pas voir Lee quitter le service. Tous avaient bien d’autres choses à faire. Elle se retira discrètement, laissant les deux amants profiter d’un peu de solitude.
Ni le bruit de la porte qui se referma ni le contact tactile de la main de Mark vinrent troubler le sommeil de l’infirmière. Si l’on voulait positiver on aurait pu dire qu’au moins dans cette posture elle trouvait un semblant de repos après ces derniers jours de travail éreintants. Seul le lieu venait rappeler que ce n’était pas tout à fait la réalité. Et dire que si cet inconnu n’était pas intervenus, Lee et son homme comme elle se plaisait parfois à l’appeler, seraient rentrés chez elle, auraient jouit d’un innocent câlin ou deux, de quelques baisers doux, tendres et d’autres enflammés qui auraient témoignés de combien l’un avait manqué à l’autre puis Williams se seraient probablement rapidement assoupie dans les bras du beau brun. Mais rien de cela n’était à l’ordre du jour à présent. D’ailleurs, Benford dû patienter au minimum trois quart d’heure pour pouvoir entrapercevoir les yeux noisettes de sa compagne.
Elle semblait avoir quelques difficultés à se réveiller mais lorsque sa vision se rétablit correctement elle poussa un cri de frayeur à l’instant où ses prunelles tombèrent sur le visage de l’agent du FBI. Instinctivement elle récupéra sa main et lança des regards paniqués aux alentours en quête d’un élément tangible qui aurait pu l’aider à se repérer dans l’espace.
Tandis que Mark semblait revenir à la charge pour tenter de l’apaiser, Lee fit un bond de côté tombant du lit et se rattrapant maladroitement au matelas.
« Ne m’approchez pas !!! » cria-t-elle en se tenant le coude qui laissait échapper à présent un petit filet rougeâtre.
Rapidement le front de Lee puis l’intégralité de son visage se nappèrent d’un hâle brillant changeant bientôt en perles de sueur. L’infirmière recula tant qu’elle put mais en deux mouvements de jambes elle glissa contre les parois murales ou elle se retrouva acculée sans aucun moyen de s’enfuir. Ensuite, elle se recroquevilla sur elle-même, rapprochant ses genoux de sa poitrine puis posant ses mains fébriles sur ses tempes et en y exerçant une pression non négligeable. Malgré son souffle court elle s’efforça de murmurer le nom de la seule personne qui aurait pu l’aider d’une quelconque manière que ce soit :
« Mark !! »Cependant il eut beau lui expliquer qu’il était près d’elle, lorsque l’agent s’approcha d’elle, Lee hurla de nouveau et battit des bras pour qu’il s’en aille et ne la touche sous aucun prétexte.
Le dos de sa main commença à la démanger et elle se gratta violemment, puis ses traits arborèrent une vilaine grimace. Lee n’eut besoin que d’un seul haut le cœur pour restituer au sol le contenu de son estomac. Dès lors il fut plus facile d’approcher l’infirmière qui paraissait ne plus faire attention à Mark. C’est à peu près à cet instant que la porte s’ouvrit sur une Julia quelque peu décoiffée et essoufflée comme si elle avait couru sur une longue distance. Alertée par les cris anormaux de son amie, elle avait voulu venir voir ce qu’il se passait. Le spectacle qui lui fut offert la laissa bouche bée et la figea sur place. Son regard alla successivement de l’infirmière au sol à Benford qui semblait demander muettement à la doctoresse de venir lui donner un coup de main au lieu de rester plantée là à ne rien faire.
Voyant que Mark peinait à maîtriser sa petite amie, Julia dû se résoudre à aller chercher un sédatif au pas de course car contrairement à ce que l’on peut croire, tous les médecins ne se baladent pas avec une injection de sédatif dans leur blouse blanche. Cependant entre le moment où elle fila et celui où elle reparut la situation avait changé dans la chambre. Benford tenait Lee contre lui, l’encerclant de ses bras protecteurs et cette dernière ne semblait plus du tout le repousser, elle s’y serait même davantage accroché au contraire. Julia vît vaguement les lèvres de l’agent fédéral bouger mais elle ne parvenait pas à comprendre ce qu’il lui susurrait à l’oreille.
Soudain la seule patiente de l’hôpital dans la pièce se mit à pleurer à chaudes larmes dans les bras de l’agent fédéral. Se sentant drôlement idiote avec sa pauvre seringue à la main, Julia hésitait presque à intervenir pour briser ce moment. La blondinette était sous le choc. Lee n’était pas une personne à la larme facile et la voir si démunie la désarçonnait. La dernière fois qu’elle avait dû lui servir d’épaule consolatrice avait été le jour où Mark avait appris sa véritable et que ses amis le pressaient à quitter la ville pour retourner dans la Cité des Anges.
Julia était chez elle ce soir là pour une fois. Aussi elle avait décidé de profiter de ces quelques heures pour s’adonner à une bonne séance de cocooning et avec la tenue règlementaire s’il vous plaît… Pantalon de jogging petit débardeur délavé, peignoir, pantoufles qui avaient fait leur temps depuis longtemps. Assise sur le canapé, la blondinette regardait une comédie romantique en grignotant quelques grains de popcorn au caramel fait maison. Un éclat de rire anima la maison jusqu’à ce que des tocs tocs contre le bois peint en bordeaux de la porte d’entrée viennent s’y ajouter. La doctoresse se redressa, posa son énorme saladier vert pomme de pop-corn sur la table basse et alla ouvrir. Tout sourire, toute joie s’éclipsa de ses traits quand elle découvrit qui venait lui rendre une visite tardive.
« Lee ?! »Les yeux rouges et gonflés encore humides, les cheveux lui retombant sur le visage, la brunette ne se présentait pas dans son plus bel apparat.
- Je sais… Tu me l’avais bien dit » répondit l’infirmière en éclatant en sanglots pour sans doute la deuxième fois de la soirée en venant se blottir dans les bras de son amie.
Tirant l’infirmière à l’intérieur et refermant la porte derrière elle, la blondinette emmena sa meilleure amie dans le salon. Elle la fit asseoir sur le canapé, coupa le son de télévision et attrapa une boite de mouchoirs qu’elle plaça sur la table à côté du pop-corn. A la suite de quoi, Julia prit place aux côtés de Lee et la prit dans ses bras pour à nouveau lui offrir un support. Elle attendit qu’elle se calme un peu pour lui demander de lui conter les raisons de son malheur bien qu’elle en ait déjà une vague idée.
« Allez raconte-moi maintenant… Mh ? » demanda la blonde d’une voix douce en tenant la main de son amie.
Cette dernière se moucha deux ou trois fois et sécha un peu ses joues. L’infirmière souffla, prit le temps de faire un peu de ménage dans son esprit avant d’entamer son récit qui serait sans nul doute entrecoupé de nouveaux sanglots.
« Deux agent fédéraux ont débarqué hier chez moi. Y’avait un mec du FBI et une nana de la CIA qui disaient connaître William. On les a laissé entrer et apparemment son vrai nom serait Mark Bin…. Ben… Bem… Quelque chose… D’après eux c’est un agent du FBI et… »L’hésitation de l’infirmière n’était pas anodine et annonciatrice de l’arrivée du noyau dur de l’affaire.
« Ils lui ont dit qu’il avait…. Ils lui ont dit qu’à Los Angeles il avait… Une femme et une… Une fille » et à partir de là ce fut reparti comme en quarante.
Bien que Julia avait maintes fois prévenu Lee des risques que comportaient une aventure avec William le bel étalon amnésique elle n’était guère surprise de ce qu’elle venait de lui apprendre mais elle ne pouvait s’empêcher de se sentir désolée pour sa meilleure amie. Elle avait espéré se tromper. Vraiment. Voir Lee dans un tel état lui faisait mal au cœur.
Julia se reprit tant bien que mal et entreprit de chasser ce souvenir de sa mémoire pour s’occuper au mieux de Lee que Mark était en train de porter jusqu’à son lit. La doctoresse déglutit et renifla avant de se rapprocher du lit et entamer son travail sous l’œil vigilant de l’agent fédéral.